Les 3 raisons pour lesquelles la France est devenu le pays le plus dépressif du Monde

Selon BVA-Gallup, les Français sont devenus l’un des peuples les plus malheureux au Monde. Avec un indice négatif de -79, la France est la dernière du classement des 51 pays sondés par l’institut. Il s’agit d’un record historique, aucun pays n’ayant jamais affiché un score aussi bas depuis les 34 ans qu’existe cet indice[1].

Ce chiffre est à recouper avec le fait que la France se trouve régulièrement dans les premiers rangs européens de consommation de tranquillisants[2] et d’alcool et de cannabis.[3]

Outre le fait que ce sondage montre qu’il n’existe pas de rapport entre la richesse matérielle et le bonheur (les pays ayant les indices les plus élevés sont généralement des pays pauvres : +80 pour le Nigéria, +51 pour le Vietnam, +50 pour le Ghana), il interroge l’évolution de la France, qui n’a cessé de devenir plus triste et plus pessimiste, jusqu’à connaître une véritable implosion, comme si les énergies qui n’arrivaient pas à se libérer vers l’extérieur étaient en train de consumer le pays de l’intérieur[4].

Ces études ne donnent cependant que des indices vagues sur les véritables causes de cette situation, alors qu’il me semble crucial de les comprendre pour pouvoir envisager de les surmonter. Voici celles qui me paraissent les plus frappantes :

1. L’absence de défis collectifs

L’une des principales causes de dépression est l’impossibilité de prendre une attitude claire en face d’une crise. Henri Laborit, chercheur français à l’origine de la théorie de l’inhibition de l’action, a prouvé qu’un individu qui se trouvait dans une situation où il ne pouvait ni fuir, ni combattre, tombait dans un état de prostration et voyait ses défenses immunitaires s’effondrer. Et c’est un fait que la France n’a plus fait l’expérience depuis longtemps d’une posture collective claire, que ce soit face à ses problèmes internes ou face à des défis extérieurs.

Les horreurs de la première guerre mondiale ont traumatisé le pays. La collaboration pendant la Seconde Guerre mondiale a alimenté la culpabilité collective. Par la suite, la France n’a surmonté aucun grand défi collectif (qu’il soit social, économique ou culturel) qui aurait pu lui permettre de retrouver le sens de sa propre valeur.

Pire, la France à pris l’habitude de fuir l’épreuve pour lui préférer une sécurité débilitante. Une illustration de cette tendance est donnée par l’attitude ambivalente du pays au moment de l’effondrement du Mur de Berlin. A l’époque, les Français se sont réjouis de ce vent de liberté. Mais, dans le même temps, une part un peu moins noble de leur être leur soufflait qu’à cause de la réunification, l’Allemagne allait prendre des années de retard économique. Or, c’est exactement le contraire qui s’est passé : c’est précisément parce que l’Allemagne a eu à surmonter un grand défi collectif qu’elle est devenue aussi puissante aujourd’hui.

2. La culture du détournement d’attention

Une communication saine entre les dirigeants et le peuple est une garantie de d’équilibre collectif.

C’est particulièrement valable pour les moments de crise, où tout le corps social doit se solidariser pour affronter l’épreuve ensemble. Lorsque Churchill succède à Neville Chamberlain au poste de Premier Ministre, il prononce à la Chambre des Communes et résume son programme politique de la façon suivante : « Je n’ai rien d’autre à offrir que du sang et des larmes ». Or, loin de démoraliser la population, cette déclaration a au contraire galvanisé les Anglais et leur a donné la force de résister.

En France, cette détermination est exprimée uniquement au niveau des mots, mais échoue à se traduire en actes. François Hollande a été élu sur une promesse simple : combattre le monde de la finance et de ne plus se laisser se reproduire les aberrations de la crise de 2009, lorsque les Etats ont injecté des milliards pour sauver un secteur qui contrôle aujourd’hui les nations à travers la dette.

Or, son mandat s’est surtout traduit par une série de débats qui ont détourné l’attention des Français : mariage pour tous, droit de votes des étranger, affaire Dieudonné, etc. Cette tendance à éviter de crever l’abcès se trouve, sous d’autres formes, chez tous ses prédécesseurs, et il faut remonter à Charles de Gaulle pour trouver un dirigeant français qui ose s’adresser au peuple sans détour.

En d’autres termes, la France s’est engagée dans un cercle vicieux : plus les Français ont peur de l’avenir, et plus ils raccrochent à des promesses de sécurité. Et les dirigeants, au lieu d’oser prendre des décisions difficiles, choisissent le statu quo et détournent l’attention sur des sujets secondaires qui ne font que reporter la prise d’action. Résultat : les problèmes ne font que s’aggraver et la névrose collective s’accentue.

3. La maison qui rend fou

Le dernier point est l’extraordinaire lourdeur bureaucratique de la France. Pays gouverné par les administrations, la France est l’un des pays les plus bureaucratiques du monde avec la Corée du Nord : 80.000 pages qui s’amoncellent sur le bureau des préfets chaque année, plus de 46 corps de règlement qui s’appliquent de façon contradictoire dans le milieu hospitalier, 500.000 agents d’Etat travaillant dans des structures plus ou moins opaques[5], un code du travail de 3.000 pages, etc.

A ce phénomène de « maison qui rend fou » décrite dans les 12 travaux d’Astérix s’ajoute un phénomène de confiscation de la démocratie par les représentants spécialisés, qu’ils soient ceux de l’administration, des syndicats, du patronat ou des partis politiques eux-mêmes.

Alors que ceux-ci devraient normalement être l’émanation du peuple, ils disposent aujourd’hui de pouvoir sans aucune mesure avec leur représentativité réelle : les Français, en effet, sont syndicalisés à seulement 8%. Quand aux partis politiques, le divorce entre les dirigeants et le peuple s’est à ce point aggravé que les adhérents de tous les partis politiques français représentent, en cumulé, moins de 1% de la population. Seule leur surexposition dans les médias leur donne une apparence de légitimité.

Transformer la France en laboratoire mondial de l’innovation

Vous me demanderez sans doute en quoi ce tableau kafkaïen est positif. Ces dernières années, j’ai été le premier à me plaindre de la situation de la France en tant qu’entrepreneur et que spécialiste de l’innovation, je n’ai pas arrêté de pester contre le manque d’audace, les blocages, la peur du changement que je ressentais en permanence autour de moi.

Jusqu’au moment où j’ai réalisé que cette sinistrose ambiante était en réalité une fantastique opportunité. Il n’y a rien de plus précieux dans la vie que ces moments où l’on réalise que l’on a plus rien à perdre et où on s’autorise tout ce qu’on aura jamais osé en temps normal.

La France est un cas d’école. Elle cumule les pires handicaps en termes de psychologie collective : mais, en même temps, elle dispose de qualités exceptionnelles : un art de vivre, une profondeur de pensée, des talents en surnombre dans le domaine scientifique, littéraire, artistique, entrepreneurial…

Puisque la France se dirige de toute façon vers un scénario catastrophe avec l’arrivée au pouvoir de l’extrême-droite et un risque d’effondrement généralisé, j’ai une proposition très simple pour le pays : mettre la France sous tutelle de l’ONU et en faire un laboratoire mondial de l’innovation.

L’Etat étant essentiellement devenu un frein, il suffirait de l’éliminer totalement (tout comme la classe politique) et de nommer à la place une instance chargée des fonctions régaliennes indispensables. En fonction du principe de subsidiarité, les instances locales auraient l’essentiel du pouvoir (ce qui n’est pas si difficile à imaginer, car en dépit de l’image jacobine que l’on en a souvent, la France est en réalité un pays de territoires et de terroir). Le pays serait ainsi essentiellement livré à lui-même, et pourrait ainsi rentrer dans un cycle d’apprentissage et d’autonomisation collective.

Tous les spécialistes de l’innovation et de la conduite du changement pourraient en outre utiliser la France comme un immense « bac à sable » pour ouvrir de nouvelles voies et construire concrètement la société du futur, en appliquant jusqu’au bout les processus d’innovation qui ont toujours été bloqués par le pouvoir étatique depuis un demi-siècle (car la France a toujours été pionnière en termes d’expérimentation de nouveaux modèles dans le domaine de l’éducation, la santé, l’emploi, etc. Seulement, toutes ces solutions dont l’utilité a pourtant été démontrée n’ont jamais été généralisées nationalement en raison du point 3 du présent article : la maison qui rend fou).

Tout comme le conflit israélo-palestinien que tout le monde regarde en se disant : « s’ils arrivent un jour à faire la paix, il y a de l’espoir pour tout le reste de l’humanité », la situation actuelle de la France me paraît être devenue un symbole des pires blocages qu’une société peut rencontrer. Sauver un pays comme la France du labyrinthe où elle s’est égarée ne pourra que créer un patrimoine utile universellement.

Ce sera l’objet d’un prochain article où j’examinerais les mesures concrètes qui pourraient être apportées dans ce sens.

[1] http://www.leparisien.fr/societe/les-francais-les-plus-pessimistes-du-monde-23-12-2011-1781504.php

[2] http://www.planetoscope.com/Sante-autre/1725-consommation-de-tranquillisants-en-france.html

[3] http://sante.lefigaro.fr/social/sante-publique/consommation-drogues-france-europe/consommation-drogues-france-europe

[4] http://www.latribune.fr/actualites/economie/france/20141020trib63c5de5a3/climat-social-pourquoi-ca-n-explose-pas-encore.html

[5] http://www.parismatch.com/Actu/Societe/Bureaucratie-francaise-c-est-l-implosion-525357